Co-fondateur et directeur général d’Adotmob, Yannis Yahiaoui revient sur la genèse de ce spécialiste de la publicité programmatique mobile, bien décidé à devenir également un spécialiste de l’analyse d’audience en agrégeant données publicitaires, données consuméristes et, demain, données de localisation.
Pourquoi avoir créé Adotmob ? Comment la société a-t-elle évolué ?
YY – A l’occasion de mon stage de fin de première année d’école en 2010, j’ai eu la chance de voyager à San Francisco, où le marketing mobile commençait à exister. J’y ai rencontré Yohann, l’un des co-fondateurs de Tradelab, chez qui j’ai réalisé un stage l’année suivante. A la suite de cette expérience, j’ai commencé à réfléchir à ce projet, la croissance des audiences mobiles créant de nouvelles opportunités.
Après une année de césure dans le conseil et la rencontre de mon associé, Thomas Zaepffel, qui travaillait alors dans la finance, nous avons lancé AdotMob en 2014 en nous positionnant comme un spécialiste du programmatique mobile.
Trading desk mobile à nos débuts, nous avons rapidement vu les limites des DSP self service et nous avons développé notre propre technologie, notamment pour mieux servir des campagnes Rich Media et avoir accès aux bid requests. En voyant la quantité de données que nous stockions en temps réel, nous avons également décidé de concevoir notre propre DMP “mobile centric” pour automatiser la création de segments, et ainsi simplifier l’activation des audiences.
Nous avons ensuite pris conscience de la nécessité d’avoir accès à d’autres données que celles issues des requêtes si nous voulions apporter une alternative crédible aux géants de notre marché, et avons noué en partenariat avec vente-privee en septembre 2016, nous donnant ainsi accès à la monétisation exclusive de leur audience anonymisée.
Nous leur avons ainsi développé une DMP centrée sur le mobile que nous utilisons pour améliorer le ciblage publicitaire de nos clients.
Trading Desk, DSP et maintenant DMP. Votre périmètre s’est considérable élargi en 3 ans. A quoi ressemblerez vous dans quelques années ?
YY – Adotmob se caractérise d’abord par une forte culture du service et nous nous devons d’évoluer avec le marché, pour satisfaire les besoins de nos clients agences et annonceurs.
Aujourd’hui, de plus en plus d’acteurs développent leurs propres bidders, le segment des DSP se consolide et celui des DMP est attaqué par les géants de la base de données.
Au delà du service et de la technologie, pour se différencier, il va falloir pouvoir agréger plus de données exclusives pour aider les annonceurs à mieux comprendre leurs clients et à ainsi mieux communiquer avec eux.
Nous avons les données issues de notre activité publicitaire, ainsi que celles de notre partenariat avec vente-privee. La prochaine étape consiste à récupérer les données de géolocalisation des mobinautes en opt-in via la pose d’un SDK dans des applications.
Nous avons aujourd’hui l’une des données les plus riches du marché français. A terme, au delà du média, notre ambition sera ainsi d’exploiter ces données pour faire d’Adotmob un référent sur l’analyse d’audience, et proposer au marché des solutions d’analytics exclusives.
Depuis 1978, la France est très vigilante en matière d’exploitation des données. Est-ce un force ou une faiblesse pour une AdTech de la FrenchTech ?
YY – Le législateur français est effectivement très exigeant et cette culture de protection des consommateurs va d’ailleurs s’étendre à l’échelle européenne. Les américains bénéficient d’une législation plus flexible, rendant ainsi possible et plus rapide la convergence d’acteurs des télécommunications et du média (Verizon / AOL & Yahoo entre autres), notamment concernant l’utilisation des données des telco pour du ciblage publicitaire.
Surtout, les consommateurs sont également très exigeants puisqu’ils rejettent aussi bien une publicité mal ciblée que trop ciblée, en n’hésitant pas à recourir à des AdBlockers pour bloquer la publicité, qui est pourtant indispensable au bon fonctionnement de l’économie digitale.
Dans ce contexte, si un juste milieu va être compliqué à trouver pour rendre la publicité pérenne, nous sommes convaincus qu’un mix entre une expérience utilisateur adaptée, un ciblage précis (via de la donnée loguée), et surtout une maitrise de la pression publicitaire cross-canal, permettront de proposer des solutions en adéquation avec les enjeux du marché.