Head of Cards, Acquiring and Innovative Payments & Cash Management Division, Jean-Marie Dragon évoque la montée en puissance de la carte bancaire dans le paiement, mais également les différentes initiatives de paiements mobiles, en Afrique ou en Asie, qui pourraient très prochainement bouleverser les usages en Europe.
Nous entrons dans une société “cashless” mais pourrait-elle également devenir “card less” ?
Nous parions plutôt sur une longue cohabitation entre les différents moyens de paiements. Si le chèque est effectivement en déclin en France, la carte bancaire est au contraire en forte croissance notamment grâce à l’engouement des consommateurs pour le sans contact. C’est une étape importante pour réduire les paiements cash et incontournable pour l’avènement du paiement mobile. Dans des régions à faible bancarisation comme l’Asie ou l’Afrique, les choses sont différentes. Les consommateurs font un saut quantique en passant directement du cash au paiement mobile, sans passer par l’étape de la carte bancaire.
NFC, QR Code, SIM based : quelle solution technologique peut s’imposer dans le paiement mobile ?
J’ai peur qu’il n’y ait pas de solution universelle rapidement mais différentes propositions en fonction du contexte de la transaction. Les Chinois semblent plébisciter les solutions portées par Alibaba ou WeChat, reposant sur le QR Code. En Afrique, ce sont plutôt des solutions poussées par les opérateurs, proches de SMS, qui séduisent les consommateurs. Et dans les pays occidentaux, c’est le sans contact NFC qui s’impose, aujourd’hui avec la carte, et demain avec des smartphones ou des Wearable NFC. Le groupe BNP Paribas est très pragmatique puisque nous sommes aussi bien partenaires de Paylib, qui gère le paiement sans contact avec un smartphone (en plus du m-commerce et bientôt du P2P), que de Lyf Pay, qui utilise le QR Code, pour des paiements mais également pour les services à valeur ajoutée dans la relation marchand-consommateur.
Pour une banque, existe-t-il un risque stratégique à travailler avec des géants comme les GAFA ou les BATX asiatiques ?
Nous apportons des valeurs complémentaires aux clients. De ce fait, nous sommes clairement dans une logique de “coo-pétition” avec des entreprises très innovantes qui, selon les situations peuvent aussi bien être nos partenaires que des concurrents. Mais nous arrivons à trouver l’équilibre. A ses débuts, PayPal était perçu comme une menace par les banques. 20 ans plus tard, on constate que PayPal a des accords avec la plupart d’entre elles. Mais le risque existe, notamment parce que les enjeux se sont déplacés des paiements vers les datas. Grâce à leur maîtrise des données, ces acteurs peuvent d’ailleurs bousculer aussi bien les acteurs bancaires que ceux de l’univers du commerce.
C’est la raison d’être d’une plateforme comme Lyf Pay ? Aller au-delà du paiement grâce à une meilleure connaissance client ?
Oui, des entreprises comme Starbucks ont démontré qu’on pouvait réunir paiement et fidélisation au sein d’une même application. Lyf Pay est une initiative commune d’acteurs du paiement et du retail, dont l’ambition est de proposer une plateforme ouverte, pour inventer un “smart paiement” reposant sur le check out combiné : dans un seul et même geste, l’utilisateur utilise ses coupons, gère sa fidélité, son éventuelle cagnotte et paie. Cette plateforme apporte aux marchands une meilleure connaissance de leurs clients et de leur comportement. Elle n’est pas liée à des acteurs de la publicité, bénéficie des normes de sécurité très strictes du secteur bancaire et repose sur des principes forts et transparents de respect des données personnelles. Ce sont des attentes des utilisateurs, et leur respect est indispensable à leur adhésion.