Comment le smartphone permet de limiter la propagation du coronavirus

SMS corona

En complément des mesures sanitaires, le smartphone et les applications de localisation permettent de mesurer voire de limiter la propagation du virus. Tour d’horizon des différentes initiatives sur le sujet.

Apparu fin 2019 en Chine dans la région de Wuhan, le coronavirus Covid-19 s’est répandu en quelques semaines partout dans le monde, au point de toucher plusieurs centaines de milliers de personnes, dont plusieurs dizaines de milliers en France.

Face à cette pandémie, tous les états ont d’abord opté pour des mesures sanitaires telles que le confinement partiel ou total de leur population, la multiplication des tests ou le port de masques réduisant d’autant la propagation du virus.

Mais certains pays asiatiques, tels que Singapour, la Corée du Sud ou encore Taïwan ont également recours au téléphone mobile, pour mieux comprendre et lutter contre la diffusion du Covid-19.

Les initiatives taïwanaises exploitant le téléphone mobile

Fort de l’expérience acquise avec l’épidémie de SRAS au début des années 2000, Taïwan a ainsi mis en place une procédure de quarantaine électronique. Toute personne contaminée ou présentant des risques de contamination est non seulement assignée à résidence mais doit utiliser un smartphone avec réception GPS et l’application Line pour être en permanence identifiée par les services de police.

« L’objectif est d’empêcher les gens de circuler et propager le virus. », a expliqué Jyan Hong-Wei, chef du département de la cybersécurité de Taïwan. Et en cas de sortie interdite ou de non- utilisation du smartphone, les contrevenants s’exposent à une amende de près de 30 000 euros ! (1)

Un premier usage du SMS pour avertir massivement les Français

En France aussi, les autorités commencent à se tourner vers le téléphone mobile. Le 16 mars dernier, les opérateurs ont ainsi relayé un SMS d’information du gouvernement à plus de 50 millions d’abonnés en France, suscitant d’ailleurs quelques interrogations sur l’utilisation de données personnelles.

 « Les opérateurs font tampon. Ils ne livrent pas les numéros au gouvernement, ils envoient les SMS pour lui. », expliquait toutefois Alexandre Archambault, spécialiste des questions liées aux télécoms et au numérique, dans les colonnes de Libération. (2)

Une réflexion européenne autour de l’utilisation du smartphone

Et cette collaboration avec les opérateurs pourrait se poursuivre. Thierry Breton, actuel commissaire européen chargé du marché intérieur, s’est ainsi entretenu avec de nombreux opérateurs pour leur demander de fournir les données mobiles liées aux déplacements de leurs clients.

« Une fois les données agrégées et anonymisées, l’objectif sera de suivre en temps réel la propagation de la maladie Covid-19 afin de savoir où les demandes de matériel médical sont les plus pressantes. » explique l’Usine Digitale. (3)

 

Vers une granularité plus fine ?

Avec une précision de l’ordre de 200 m, les bornes des opérateurs téléphoniques sont parfois utilisées par la Justice, dans le cadre d’enquêtes visant à identifier la présence d’un suspect dans une zone géographique précise.

Mais ces observations, agrégées et anonymisées, reposant sur les bornes des opérateurs téléphoniques, n’offrent pas de granularité permettant d’avertir précisément la population des lieux à risque.

 « Nécessitant d’énormes calculs en temps réel sur des réseaux déjà saturés, la pratique du suivi par bornage semble irréalisable en continu pour des dizaines de millions d’abonnés. » explique LeParisien. (4)

Des applications pour combattre l’épidémie

Partout dans le monde, des éditeurs particulièrement réactifs proposent des applications permettant de lutter contre l’épidémie et reposant sur la puce GPS des téléphones, offrant une granularité plus fine, et donc une protection de la population plus élevée.

CoronApp, par exemple, invite les internautes volontaires à s’inscrire, à installer l’application sur leur smartphone et à lui donner accès à leurs coordonnées GPS. A la manière d’un site de rencontre, l’application est ensuite en mesure de localiser et d’avertir ses utilisateurs, potentiellement en contact avec un autre utilisateur du service, qui se serait déclaré atteint du coronavirus Covid-19.

Une réflexion française en cours

La France a toutefois annoncé mardi 24 mars la mise en place d’un comité de chercheurs et de médecins qui sera notamment chargé de conseiller l’exécutif sur les pratiques de «backtracking» (historique des contacts sur quelques jours) qui permettent d’identifier les personnes en contact avec celles infectées par le coronavirus.

« Cette stratégie, qui vise à utiliser les données de géolocalisation pour tenter d’enrayer la progression de l’épidémie, est déjà en œuvre ou en passe de l’être en Corée du Sud, en Russie ou encore en Israël » explique LeFigaro.

Un cas de figure théoriquement prévu par le RGPD

Si plusieurs personnalités parmi lesquelles Jacques Toubon, Défenseur des droits, s’inquiètent déjà d’une crise sanitaire qui remettrait en cause nos droits fondamentaux (5), l’accès aux données personnelles par les pouvoirs publics est bien prévu par le Règlement Général pour la Protection des Données (RGPD).

Parmi les six bases légales d’accès aux données personnelles (6), le RGPD permet par exemple d’évoquer l’intérêt public, voire l’intérêt vital, sans nécessairement disposer du consentement des utilisateurs.

Dès le 19 mars, le Comité Européen de la Protection des Données (CEPD) a d’ailleurs confirmé que « le RGPD permettait aux autorités sanitaires compétentes de traiter les données personnelles dans le contexte d’une épidémie, conformément au droit national et dans les conditions qui y sont fixées. Dans certains états membres, les gouvernements envisagent d’utiliser les données de localisation mobile pour surveiller, contenir ou atténuer la propagation de Covid-19. Cela implique, par exemple, le fait de géolocaliser des individus ou de leur envoyer des messages de santé publique dans une zone spécifique par téléphone ou message texte. » (7)

Si la technologie le permet et que le RGPD ne l’interdit pas, la balle semble être dans le camp politique. Si ces derniers multiplient actuellement les consultations, les start-up de la French Tech sont en tout cas déjà volontaires pour proposer leurs services et leurs technologies.